L’idée n’est pas nouvelle. Importé des US, le concept de congés illimités séduit et interpelle. Dans un système où les congés résultent du temps travaillé et non de la performance, la mise en œuvre de ce privilège non conventionnel a de quoi troubler notre référentiel actuel.

 

Le principe de congés illimités– pris par le collaborateur sans limite de temps ni contrôle – permettrait de motiver les employés et attirer les meilleurs talents. Le monde du digital et des start-ups s’est emparé de ce concept pour surfer sur la vague des idées RH les plus novatrices.

 

QUID de l’Europe

Si les congés payés ne sont pas une obligation aux Etats-Unis avec une moyenne de 15 jours de congés par an, l’Europe se distingue par une législation nettement plus favorable pour ses salariés. En moyenne, les employés européens bénéficient, selon leur pays, de 20 à 28 jours de congés payés (hors jours fériés). A Luxembourg, un salarié dispose de 26 jours de congés minimum, allant jusqu’à 35 jours, selon les conventions sectorielles. Malgré un système législatif avantageux, cette marque de différenciation a déjà séduit de nombreuses entreprises, ces dernières ayant revu leur politique RH en conséquence. Le Royaume Uni, suivi par les Pays-Bas et l’Allemagne, publie des offres d’emploi avec la mention de ‘congés illimités’. Outre-Atlantique, ce sont les grandes entreprises proposent ce privilège alors que ce sont les start-ups qui présentent les offres les plus nombreuses en Europe.

 

Tous concernés ?

En tête d’affiche se trouvent les développeurs, puis les fonctions commerciales et les marketers. Autant dire que nous sommes au balbutiement de la mise en œuvre d’un système qui pourrait, s’il est étendu aux autres métiers, demander de réels ajustements de notre société. A commencer par le rapport au travail.

 

Conséquence du flexitime 

Les horaires fixes ayant disparus au profit de modes de travail plus agiles, les congés illimités permettraient de rétribuer les heures disséminées et non comptées. Dans un mode de vie où le travail ne connaît plus de frontière et où ce dernier s’invite à tout instant de la journée, même en vacances, il ne serait pas illogique de considérer la question du temps de repos sous cet angle.

 

Résultat du management par objectifs 

Remplacer la culture des horaires par la culture des résultats, tel serait le défi. Autrement dit, si un collaborateur a atteint ses objectifs, alors celui-ci peut s’éclipser et partir en vacances. Dans l’absolu, le management par objectifs quantitatifs permet une mise en oeuvre assez simple pour des fonctions qui s’y prêtent. Néanmoins, l’approche est difficilement transposable pour des fonctions dont les activités sont récurrentes et pour lesquelles les objectifs ne sont pas, voire peu, quantifiables (fonctions supports ou administratives, médicales, juridiques, etc.).

 

Le piège de la liberté ?

Les congés illimités impliquent un ‘change management’ à grande échelle. C’est un réel défi pour les RH car l’entreprise prend un risque, celui d’une rupture d’égalité entre les collaborateurset une stigmatisation de certaines fonctions. Devront être repensés les modes de collaboration, la notion d’équité, la gestion des salaires et de la performance mais aussi l’impact sur l’organisation de l’entreprise et la répartition du travail. Il appartiendra également au collaborateur de gérer la pression du groupe. L’adage « qui part (…) perd sa place » pourrait conduire certains à travailler toujours plus pour ne pas voir leur part de travail confiée à d’autres lorsqu’ils partent en congés.

 

Boite de Pandore ou confiance absolue

Le risque d’excès ou de burn-out dans ce modèle ne peut être ignoré. Si l’abus est un risque à gérer, la question de confiance et de transparence entre le collaborateur et l’employeur occupe une place centrale dans ce nouveau système. Ce qui est attendu et valorisé dans l’entreprise devra désormais être relayé à tous niveaux. Des valeurs sur lesquelles les RH devront s’appuyer pour monitorer un système audacieux et dont la finalité sera d’être un avantage pour les deux parties, sans mauvaise contrepartie.

 

La question est de savoir si nous sommes aujourd’hui prêts à un changement de paradigme. Un modèle prônant l’intrapreneuriat, avec les conséquences que cela comporte pour les collaborateurs et le management, et qui concernerait tous les niveaux hiérarchiques et toutes les fonctions de l’organisation.

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